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L es baobabs poussent surtout à l’ouest de l’île, loin de chez moi. En 1976, la première fois que j’en ai photographié, j’ai été subjugué. J’ai dû faire une vingtaine de bobines couleur, de l’Ektachrome. Au labo de Tana, tous mes négatifs ont été détruits. C’est pourquoi, jusqu’à l’avènement du numérique, j’ai préféré la sobriété du noir et blanc. Aujourd’hui, je suis inquiet pour les baobabs comme pour tous les arbres de Madagascar. Peu à peu, l’île part en fumée. La déforestation, les feux de brousse la défigurent et l’appauvris- sent. Le baobab mythique, notre arbre de vie, silhouette emblématique sur l’horizon mal- gache, en est une victime collatérale. On vient du monde entier admirer les géants de la célèbre allée de Morondava. Leur fût élancé et leur curieuse couronne qui culmine à plus de trente mètres ont nourri bien des légendes. Ainsi Dieu, irrité d’entendre cet arbre se plaindre de l’endroit où Il l’avait planté, l’aurait arraché et jeté plus loin, la tête en bas. Depuis, ses racines pointent vers le ciel. Le baobab citerne au bout du chemin Sur les huit espèces de baobabs recensées, six ne poussent que dans notre pays. Colosses en forme de colonne ou de bouteille, barbons ventripotents, tourmentés, jumeaux aux deux troncs enlacés, dits amoureux, arbres cente- naires, voire millénaires – l’un d’eux, appelé Grand-Mère, au sud de Tuléar, aurait 1600 ans – ceux-là, je les connaissais tous. Et voilà qu’en préparant mon livre, j’ai entendu parler d’une autre variété, un arbre providence des régions très sèches, le baobab citerne. J’avais peine à y croire. Je suis parti à sa recherche. C’est un arbre qui se mérite. Je l’ai rencontré au terme d’un voyage assez difficile qui a duré deux jours. Voiture jusqu’à Tuléar, bac jusqu’à Soalary, 4X4 sur pistes de sable au milieu des cactus du plateau Mahafaly – le mot veut dire « qui rend heureux » alors qu’il n’y a vraiment

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