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64 Chaque famille a le sien. Il s’en trouvedes dizaines autour du village, des centaines aupaysMahafaly. À la saison des pluies, les villageois creusent à même le sol des cuvettes que viennent remplir les averses sporadiques et transvasent ensuite l’eau dans le baobab. Il faut faire vite car en un ou deux jours le sol aura tout bu. La citerne naturelle contient jusqu’à 9 m 3 . Le liquide sale, rouge de terre, se décante en eau claire réservée aux enfants. Moi qui croyais qu’en blessant un arbre, on le condamnait à dépérir ! En fait c’est tout le contraire : le baobab sacré des Mahafaly se régé- nère. Les villageois qui le vénèrent le comparent à un être humain dont la peau cicatrise. Avec le temps, l’écorce se reforme, tandis que la taille de la cavité diminue car l’arbre grossit à l’intérieur. Tous les cinq ans, les villageois doivent la creuser de nouveau afin d’élargir leur réservoir de vie. Chaque fois, ils observent le même rituel. Après avoir tué un coq, ils versent un peu de son sang sur le tronc du baobab, tout en parlant douce- ment à l’arbre comme à un génie protecteur : « Écoute, je vais te faire mal mais tu ne vas pas souffrir longtemps et nous, on a besoin de toi, on a besoin que tu gardes de l’eau pour nous. Pour nous permettre de vivre. Pour nous sauver. » Andavadoaka, May 2015 On the south-west coast of the island, this man, wearing a protective necklace, is posing in front of the bottle baobabs. Ampotaka, October 2014. (Right-hand page) This water-tank baobab is 10 minutes’ walk from the village. A young woman is going there to bring back some water for her small children. Andavadoaka, mai 2015 Sur la côte sud-ouest de l’île, cet homme qui porte un collier protecteur pose devant des baobabs bouteille. Ampotaka, octobre 2014 (page de droite) Ce baobab citerne se trouve à 10 minutes de marche du village. Une jeune femme s’y rend afin de rapporter de l’eau à ses jeunes enfants. THE ART OF DISCOVERY pas de quoi se réjouir dans cette contrée aride. Le nom du village d’Ampotaka est lui aussi un vœu pieux. Il signifie « plein de boue », alors qu’il y pleut moins que rarement. Peut-être les habitants espèrent-ils que Dieu, en les entendant répéter ce mot, va se décider à leur envoyer souvent de bonnes averses. Sortant d’une quarantaine de simples cases de terre recouvertes de paille, les villageois se sont approchés. Comme j’avais apporté des fournitures scolaires, ardoises, crayons de couleur, cahiers, ils nous ont pris pour des bienfaiteurs. « Oui, ai-je expliqué, ce sont bien des cadeaux, mais je suis venu photographier les vénérables baobabs qui vous offrent leurs fruits, leurs fibres, leur ombre, et surtout, dit-on, préservent vos réserves d’eau. » Dans les années 1920, une terrible période de sécheresse a détruit jusqu’aux cactus que les villageois mangeaient et où ils trouvaient un peu d’eau. S’ils n’avaient pas découvert alors qu’ils pouvaient stocker la pluie dans ces arbres, ils seraient partis. Le premier réservoir fut sans doute naturel : un baobab fendu par la foudre a sauvegardé l’eau infiltrée au cours d’un éphé- mère déluge. Les hommes s’en sont inspirés. Ils ont évidé le tronc de leurs baobabs pansus. "THE VILLAGERS REVERE IT, COMPARING IT TO HUMAN BEINGS WHOSE WOUNDS HEAL." « LES VILLAGEOIS QUI LE VÉNÈRENT LE COMPARENT À UN ÊTRE HUMAIN DONT LA PEAU CICATRISE… » MADAGASCAR

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