Beachcomber Magazine 02

fulgurantes, Chazal apercevait ainsi des « personnages » sculptés dans les montagnes de Maurice, Le Pouce, trois Mamelles, Corps de garde… Des formes anthropomorphiques qui frappent le voyageur et expliquent le choix de leurs toponymes. À Maurice, on dirait que les montagnes parlent : « Partout sont semés , écrivait Chazal, sur les versants et les crêtes des gisants, des sphinx esquissés, des initiales clairement entail- lées, des hiéroglyphes, des signes, des gestes d’homme. » Chazal lui aussi était persuadé que ces reliefs extraordi- naires étaient l’œuvre des hommes du « Grand Continent Lémurien, qui brassait du sud de Ceylan vers la Pa- tagonie, en forme de croissant. » DU MYTHE À LA RÉALITÉ Les poètes mauriciens n’ont pas été les seuls à rêver du continent disparu. Il a aussi passionné les savants. Dès la fin du XIX e siècle, le géologue autri- chien Eduard Suess affirmait qu’un immense continent, le Gondwana, regroupant l’Afrique, Madagascar, l’Inde, l’Antarctique, l’océanie, se serait mor- celé puis disloqué il y a des dizaines de millions d’années. une théorie appa- remment fantastique mais validée quelques années plus tard, en 1912, quand l’astronome allemand Alfred Wegener démontra la matérialité de la dérive des continents. L’histoire ne s’arrête pas là. En 2017, une équipe de géologues sud-africains révélait la présence de zircon dans les fonds sous-marins mauriciens : des cristaux datant de 2,5 à 3 milliards d’années, beaucoup plus vieux que l’île, et ne pouvant donc provenir que d’un très ancien sous-continent. Situé entre l’Inde et Madagascar et nommé Mauri- tia par les scientifiques, celui-ci aurait commencé à se disloquer il y a 85 mil- lions d’années sous l’effet de la tecto- niquedes plaques. L’intuitiondes poètes confirmée par la rigueur de la science : quoi de plus beau ? 

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