Beachcomber Magazine 02

du lagon, où sont plantés les filets. Avec le flot de la grande marée de pleine lune, les mulets remontent vers les pièges, « aidés » par les rabatteurs qui jouent de la senne à la surface de l’eau et frappent les coques. on crie, on tient ferme les filets malgré les sur- sauts effrénés des poissons jusqu'à replier chaque nasse. L’opération ainsi se répète, alternant temps longs et temps brefs, attente et levée des filets. une des pirogues achemine au fur et à mesure les chargements de mulets vers la grève. Pendant ce temps, depuis l’aube, les femmes, venues des villages voisins – Pistache, Pointe au Diable, Soupir… – , patientent en jouant au loto sous la frondaison des coqueluches. Avec le jour, le soleil s’aiguise et raccourcit les ombres. À chaque arrivage, elles se pressent devant la case où est vendu le poisson. Sous une banderole déployée : Nou la mer, nou tresor, nou lavenir, anou protez li « Notre mer, notre trésor, notre avenir, à nous de la protéger », un podium porte haut et fort les groupes de sega-tambour qui dédoublent le rythme cardiaque. Ce soir toutes les cases partageront le même souper : bouillon de mulet et carry de poisson. SURVIVRE « Le Rodriguais est pêcheur le matin, éleveur et agriculteur l’après-midi. Les hommes à la senne, les femmes à la pêche aux ourites », dit Mouk, l'un des « kings » de la région, en sa qualité de chauffeur de bus – longtemps les seuls carrosses de l’île. « La plupart des gens possèdent un petit arpent de maïs et de fèves, et quelques bêtes – vaches, cabris, cochons, poules… Le Rodriguais est obligé d’être touche-à- tout pour s’en sortir. » À Rivière Banane, au nord-est, une (rare) source d’eau claire autorise le plus grand verger de l’île. Cocotiers, bananiers, fleurs, plants de tomates, concombres, salades… un éden bio, « sans pesticides », précise Chantal. Depuis des générations, une soixantaine d’agriculteurs travaillent sans relâche les arpents. Ils font aussi dumiel, au parfum si singulier des fleurs de piquant lou- lou – une variété d'acacia. Chantal et son mari récoltent les pousses du verger. Dans la nuit, ils livreront leur cargaison au marché hebdomadaire de la capitale, Port-Mathurin. AUX PORTES DU « GLOBAL VILLAGE » Le défi du gouvernement est de faire de Rodrigues « une île écologique » et de miser sur l’éducation (54 % de la population a moins de 25 ans) pour assurer « un développement maîtrisé ». Si le dixième district de Maurice ne voulait pas de l’indépendance accordée par les Anglais en 1968, elle a grandit “ If the LANdsCAPe Is ChANGING, the PeOPLe ARe stILL COuRAGeOus ANd uNIted. ” « même si Le PaysaGe chanGe, Les Gens Restent cOuRaGeux et sOLidaiRes. »  ROAD TRIP BEAUTIFUL MAURITIUS 24

RkJQdWJsaXNoZXIy NjMzMjI=