Beachcomber Magazine 03

I l faut naviguer bien au-delà du récif, en haute mer. Attendre des heures parfois. Scruter la surface de l’eau sombre pour repérer le souffle écumant des géants. Sonder l’eau grâce à un hydrophone, à l’écoute d’un claquement sec et métallique. « Clic clic clic... » Le signal est lancé. Sous l’eau, l’ombre grandit, la mer s’obscurcit. Les mastodontes– jusqu’à 50 tonnes et 20 mètres de long  – sont là. « Ce sont eux qui viennent à notre rencontre et non l’inverse », explique l’ancien chef d’expéditionde LaCalypso , François Sarano, né à Valence en France en 1954. « Ils nous repèrent grâce à leur système d’écholocalisation. On laisse l’animal venir à nous. Le corps colossal éclipse la lumière et défile sans fin. Il n’est pas rare qu’il nous frôle et soulève au dernier moment sa nageoire caudale pour nous éviter ! » « Face à un cachalot, on ne peut pas tricher. La rencontre est nécessairement vraie ou elle n’a pas lieu », insiste l’océanographe, auteur d’un petit livre à l’enthousiasme contagieux, Le Retour de Moby Dick ou ce que les cachalots nous enseignent sur les océans et les hommes (Actes Sud). PASSIONNÉMENT Avec l’autorisation du gouvernement et sous l’égide de la MMCO (Marine Megafauna ConservationOrganisation) fondée par son complice mauricien Hugues Vitry – plongeur légendaire qui observe les cachalots depuis plus de 20 ans –, François Sarano étudie depuis 2013 la vie sociale et les formidables capacités physio- logiques et cognitives des plus grands mammifères des océans. L’équipe de la MMCO a repéré au moins deux clans à Maurice, et notamment le clan « d’Irène Gueule Tordue » au large de la côte ouest : une grande famille quasi sédentaire, composée à ce jour de 27 individus, uniquement des femelles et leurs juvéniles – les mâles eux partent chasser dans les eaux arctiques et ne reviennent que pour se reproduire, parfois dix ans plus tard. « Ce sont des individus à part entière, avec leur 

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