Beachcomber Magazine 04

ROAD TRIP BEAUTIFUL MAURITIUS 28  Le village dévale la pente de lave jusqu’au débarcadère. Là, sous le feuillage plane d’un badamier, une mare saumâtre, des autels fleuris, et toujours quelques pêcheurs immobiles sur la grève. C’est le village de l’écrivain Barlen Pyamootoo. Son œuvre est rare. Sa parole retenue. Sauf quand il s’agit de défendre ses amis pêcheurs, « des résistants », dit-il. À l’instar de Rohit, 68 ans, qui, à 14 ans, a quitté les champs de canne pour la mer. « Seul sur ma pirogue, le combat est perdu d’avance face aux pêcheurs à la senne et aux gros bateaux japonais qui dépouillent les fonds. Alors, on prend des risques. On va toujours plus loin, plus longtemps. Il faut avoir le cœur dur pour continuer .» TERRE DE RÉSILIENCE La route sinue le long du rivage escarpé, piqué çà et là de champs d’oignons et d’ananas. Les montagnes se délient. Les collines ici sont à la canne. On la coupe encore à la serpe : trop accidenté, le terrain ne permet pas une coupe mécanique. Les hommes acheminent sur leur dos les ballots jusqu’au camion benne qui conduira son chargement à la pesée de Belle Mare. Les vestiges du passé ponctuent le paysage : les canons français de la Pointe du Diable, mutiques face au large magnétique, la Tour des Hollandais et le petit musée désuet Frederik Hendrik, les ruines des fours à chaux et des cheminées sucrières, ensevelies sous la végétation... Jusqu’à Ville Noire à l’embouchure de la Rivière des Créoles. Elle porte dans son nom les stigmates de l’histoire. Autrefois réservé aux esclaves, le village en terre battue est aujourd’hui le quartier créole de Mahébourg, qu’on atteint par le pont Cavendish. La passerelle enjambe les époques. De l’autre côté, le «bourg de Mahé» de La Bourdonnais, fondateur de la colonie, fait le fier – même s’il peine à accéder au statut de ville. Son marché le lundi se pare des plus beaux fruits et tissus de la région. Son Musée national d’histoire de Maurice renferme des trésors. L’église Notre-Dame-des-Anges, les premiers dimanches, célèbre la messe des communiants. La mosquée Jum- mah n’est pas loin sur la rue Royale, dense et tumultueuse. Il faut gagner le front de mer pour faire taire les bruits et découvrir la baie de Vieux Grand Port dominée par la Mon- tagne du Lion. Le voyage se finit parmi les fantômes de la bataille navale de 1810, qui vit Grand Port rester provisoirement aux mains des Français face aux Anglais. Reste que, ce matin encore, la baie est aux amoureux de Mahébourg.  13. Cavendish Bridge, between Mahebourg and the Ville Noire district, on the Chaux River estuary. 14. From the Jetée at Bois des Amourettes, built during the Grand Port naval battle, you can see the Phare, Vacoas and La Passe islands. 13. Pont Cavendish, entre Mahébourg et le quartier de la Ville Noire, à l’embouchure de la rivière La Chaux. 14. Depuis la jetée de Bois des Amourettes, construite pendant la bataille navale de Grand-Port, on peut apercevoir l’île au Phare, celle de Vacoas et l’île de la Passe. 13

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