Beachcomber Magazine 04

developingmy technique and studying. Learning nourishes me. ” Shekina cannot envisage the future without finding a way to combine her creative interests – music, dance and architecture. “ Don’t you think they are connected? ” she asks. “ Whatever the instrument – the body, a musical scale or geometry – it’s about drawing space, sculpting silence with music, modelling space with architecture or even, in an ephemeral way, with dance. These are methods of expressing oneself that echo one another .” Outside, above the lush green foliage, a tight formation of white birds sketches a line across the vastness of the empty natural landscapes below.  L a rencontre se déroule au cœur de l’île, à Moka, dans la Maison de L’Étoile. Une demeure coloniale longtemps restée silencieuse et sans visiteurs, à l’écart dans le domaine Eurêka. Une vase pièce, habillée d’un seul piano à queue et de deux grands miroirs disposés à chaque extrémité de la pièce, décuplant l’espace à l’infini. De longs rideaux rouges autour des portes-fenêtres ouvertes sur la varangue. La pluie vient tout juste de s’interrompre. Des laisses de brouillard habillent la montagne Ory voisine. La végétation, exubérante, est gorgée de parfums. C’est dimanche et Shekina, étudiante en troisième année à l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes à Maurice, dispose de sa journée pour s’adonner à son autre passion, la musique. Les propriétaires de la Maison l’ont invitée, aussi souvent qu’elle le souhaite, à venir y jouer du piano. « Je suis attachée à ce lieu. C’est ici que j’ai donné mon premier récital l’année dernière », dit Shekina, 22 ans. Au programme : non pas Chopin ou Debussy dont elle admire les œuvres – « l’expérimentation et la technicité de l’un, la grâce et la légèreté de l’autre » –, mais bien ses propres compositions. L’INITIATION « J’ai appris tardivement le piano bien que j’aie ressenti son appel très MUSIC THE ART OF ENCOUNTER 38 tôt. Enfant, je prenais des cours de danse traditionnelle indienne et mon frère, lui, apprenait la guitare. Alors c’était difficile de m’offrir une activité supplémentaire qui aurait nécessité l’achat d’un piano. » Les années passent sans que le désir de Shekina ne tarisse. Sa mère, artiste maquilleuse, finit par céder, fait l’acquisition d’un piano électrique et inscrit Shekina, alors âgée de 12 ans, aux cours de la professeur Marie-Christinne Clarisse. À 19 ans, la jeune fille décroche son diplôme de l’Associated Board of the Royal School of Music et, déjà, compose des morceaux. « Je suis venue à la musique très naturellement. C’était une nécessité quasi physique. Quand d’autres tiennent un journal intime, moi j’éprouvais le besoin de jouer et de transcrire mes émotions en musique. Je n’ai pas choisi le piano, c’est lui qui m’a choisi. Parfois je laisse mes mains au-dessus du clavier. J’attends que les touches me guident ! » AUX DIMENSIONS DU MONDE Le chien de la Maison est venu se placer près du piano et rien ne saurait l’y déloger. Shekina égrène des notes comme une pluie d’or. On reconnaît l’influence de Debussy et ces compositions, telles La Mer et Jardins sous la pluie . Comme lui, Shekina a le don de soulever des images à l’aide de notes et de silences. « Parfois c’est assez narratif, comme la pièce intitulée Il était une fois . D’autresmorceaux sont la transposition d’une émotion, ainsi Fear où la peur se lève dans les roulements des graves », commente Shekina, avant de conclure : « C’est un esprit perturbé et agité qui vient jouer. Et c’est le piano qui peu à peu me calme. Il m’offre une forme de méditation. » La musique élargit le monde, lui offre une autre dimension. C’est un secret que Shekina a longtemps porté en elle. Et puis est venu le moment où elle s’est sentie prête à le partager. « Beaucoup de mes proches ne savaient pas que je jouais du piano. Mes parents n’avaient jamais entendu mes compositions. Alors j’ai donné ce premier concert. Je n’avais pas de crainte car ces morceaux sont ce que je suis. Ils ne peuvent pas sonner faux. On peut les aimer ou pas, mais ils sont vrais », dit Shekina sans fausse modestie ni orgueil, simplement pleinement présente. « Jouer en public m’a procuré une grande joie et j’ai réalisé que ça pouvait aussi faire du bien aux autres. Partagermes compositions c’est aussi une façon de m’en débarrasser! Une fois libre, je repars dans l’apprentissage, dans la technique, l’étude. J’ai besoin d’apprendre pour me nourrir. » Demain, Shekina ne peut l’envisager sans concilier ses domaines créatifs : la musique, la danse et l’architecture. « Ne sont-ils pas liés ? » interroge la jeune fille. « Quel que soit l’outil – le corps, une gamme ou la géométrie – il s’agit de dessiner l’espace : sculpter le silence avec la musique, modeler l’espace avec l’architecture, ou même, de façon éphémère, avec la danse. Ce sont des modes d’expression qui se répondent . » Dehors, au-dessus des frondaisons verdoyantes, un vol serré et blanc d’oiseaux dessine l’étendue de la nature désertée.  

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