Beachcomber Magazine 04

MAURITIUS THE ART OF DISCOVERY 56 MAISON DE LA VILLEBAGUE L ’aînée de nos demeures s’est refait une beauté. Elle s’ébroue toute de blanc vêtue et parade au bout d’une allée de palmiers royaux grâce à son nouveau bienfaiteur, le groupe Terra, un conglomérat rassemblant quelques-uns des plus grands domaines sucriers au nord de Maurice, et quelques fleurons de son patrimoine. Depuis que la Maison est tombée dans son escarcelle en 2010, Terra, avec l’aide érudite d’Edwige Gufflet, directrice de L’Aventure du Sucre, a entrepris de la faire revivre dans son aristocratique simplicité, à la hauteur de son pedigree distingué et des invités qu’on y reçoit. Elle est située sur les terres où le gouverneur Mahé de La Bourdonnais plante en 1743 le premier domaine sucrier de la colonie française. Bientôt disgracié, il est remplacé par un autre malouin, René Magon de La Villebague qui rachète le domaine et donne son nom à la demeure qu’il construit en 1759, mélangeant le style manoir breton avec le faste d’un Palais du Gouverneur de Pondichery. Déterminé à améliorer la qualité de la productionde ses sucres, ses triomphes commerciaux déclenchent un en- gouement général pour les plantations de cannes qui bientôt envahissent toutes les terres propices à sa culture. Au cours d’un jeu de passe-passe bien mauricien, ces usines sucrières vont valser, au fil du temps et des siècles, de mains en mains – dont celles d’un gentil mari qui rebaptise la plantation « Rosalie », du nom de sa femme –, avant de devenir propriété de la compagnie The Mount, dont les de Rosnay sont les principaux actionnaires. Un nouvel air, artistique, littéraire et mondain flottera désormais sous ses varangues. Au milieu du siècle dernier, Gaëtan de Rosnay y peint si bien, d’une palette aussi éclatante que les paysages qui l’entourent, qu’il va rejoindre les membres cosmopolites de La Nouvelle École de Paris. Natacha, son épouse russe et ses deux fils Arnaud et Joël, surfeurs et hommes du monde, escortés de toute une jet-set inter- nationale, mettent sur la carte des « musts » des seventies ce paradis exotique à la fois chic et showbiz. Joël délaisse un peu sa planche pour la plume et l’observation de la nature, et devient un biologiste médiatique, doublé d’un futurologue prophétique. Auteur de plus de vingt ouvrages sur les rapports agités entre l’homme et son environnement – son dernier livre sur l’épigénétique s’intitule La Symphonie du Vivant –, il fut nommé en 2018 Grand Com- mander of the Star and Key of the IndianOcean pour son projet « Maurice Île Durable ».  LA DEMEURE SAINT-ANTOINE E lle est placée sous le signe de l’harmonie avec la nature si gracieuse qui l’entoure. Elle partage encore l’existence des descendants de la famille de Chazal, depuis sa construction au milieu des champs de Poudre d’Or en 1830. Une famille exemplaire mais si différente qu’elle fait dire aux visiteurs : « À Maurice, il y a les Mauriciens et les Chazal ». Une demeure exemplaire aussi par les soins et les fonds apportés à sa parfaite conservation. Elle accompagnera ainsi les successives fortunes des domaines sucriers mauriciens, des plantations de canne miraculeuses aux implantations sur leurs terres d’un tourisme très haut de gamme. À Saint-Antoine, de nos jours, on est convié à partager quatre superbes chambres et des nourritures raffinées, assaisonnées d’un brin d’histoire. Saint-Antoine débute comme la magnifique résidence d’un des grands barons du sucre – Edmond de Chazal – prospérant avec rigueur et vertu entre le monde des affaires sucrières en plein boomet celui, plus ésotérique, de la Nouvelle Église, mouvement chrétien fondé par le philosophe Swedenborg, dont il est un adepte. Dans cette famille en pleine expansion Maison de La Villebague, with the turrets which transformed it into a château. Maison de La Villebague, devenue château avec ses tourelles. Portrait of Claire de Grivel, daughter of Olga de Chazal, Saint-Antoine. Portrait de Claire de Grivel, la fille d’Olga de Chazal, Saint-Antoine.

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