Beachcomber Magazine 04

 À Tamarin, derrière une palissade face aux Salines, se cache une baie aussi idyllique qu’un mirage. Elle baigne les maisons des Yip Tong plantées entre les roches en basalte et l’océan Indien. LA GAMINE AVENTUREUSE Pieds nus sur le gazon rêche, Kim se faufile sous les feuillages vernissés entre les buissons fleuris. Elle volette autour de la résidence familiale où elle vit et travaille dans une drôle de dépendance en planches et tôles cannelées, badigeonnées de rouge et blanc. Refuge coquet pour une exploratrice à la recherche des forêts perdues qui hantent ses peintures et sa vie… Un nostalgique farfadet se dissimule et s’agite derrière cette vibrante jeune femme pour mieux faire front à une nature mauricienne en péril. Celle qui imprègne toutes les facettes de son œuvre et dont elle plante et protège dans son jardin les exemplaires endémiques les plus vulnérables. Fille d’un trépidant producteur de musique mauricien d’origine chinoise amoureux d’une allemande, la gamine aventureuse se sent créole et s’épanouit sous la Croix du Sud, nimbée de clarté lunaire. Elle adore les bouts de chiffons dont elle habille ses poupées. Cela se traduit par des envies textiles qu’elle comblera pour les étudier de plus près en s’exilant sous les brouillards de Londres et le crachin parisien. Elle revient à Maurice à 26 ans bardée de diplômes : master en Information, Experience and Design au Royal College of Arts, B.A. en Textile Design au Central Saint Martins, après les cours d’arts appliqués de l’école Olivier-de-Serres à Paris. LA NATURE À L’ŒUVRE Forte de ce solide bagage, dès son retour, elle décide de réanimer, par un nouvel activisme artistique, les rives de son enfance. Sensible à la fragilité de ces lieux qui s’adonnent à un tourisme triomphant, elle se lamente, dans un des jolis textes qui souvent accompagnent ses peintures, de la disparition des étoiles du firmament : « Ce duvet de mille points lumineux luisait sur moi quand je grandissais, puis les halos électriques ont délavé le ciel. J’ai renoncé à observer ces cieux nocturnes : il n’y a aucune raison de contempler un tableau vide. » Ses tableaux vibrent de visions éclatantes entremêlant racines, tiges et branchages jusqu’au ciel, tissant sous les eaux des créatures marines. Elle travaille désormais dans l’émerveillement pour assourdir les échos de l’ère coloniale et faire chanter un patrimoine fragilisé. Jour et nuit dans son atelier de Tamarin elle peint et anime des contes dans lesquels une végétation rarement passive lutte et se défend, se dérobe parfois aux flancs de monts brumeux. Des pluies de gouttes colorées roulent sous son souffle et font éclore des végétaux bizarres sur les aquarelles. En faisant voyager jusqu’à Londres sa Luminous Life , installation où la lumière s’intensifie à mesure qu’on s’approche de panneaux en toiles de raphia imprimées, elle invoque, toujours

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