Beachcomber Magazine 04

PAINTING THE ART OF ART 72 LE REGARD INTÉRIEUR « J’ai toujours vécu dans des paysages à perte de vue. J’entre en résonance avec eux. Dans mes travaux, je ne cherche pas à rendre compte d’une géographie extérieure, mais à la lire au prisme de mon émotion. Je regarde dans le paysage comme dans un miroir . » Pour ce faire, Alix marche souvent, longtemps. Dans des lieux devenus familiers. « J’ai des rendez-vous quasi quotidiens avec la nature : par exemple la plage du Morne. Souvent je fais des esquisses au fusain sur place. Puis, dans l’atelier, je travaille d’après mémoire. La mémoire est sélective. Elle interprète et s’appuie sur des choses plus profondes. Ce qui m’intéresse, c’est ce qui reste du paysage dans ma mémoire. Ce dont je me souviens. » Une sorte de « regard intérieur » qui, dans sa dernière série, est le seul sujet de l’œuvre. « Je peins parfois les yeux fermés, à l’aveugle, pour être absolument concentrée sur mon geste. Pour suivre ce que je vois à l’intérieur, pour sonder mon inconscient. Je me concentre. En silence, j’entre dans mon rêve. C’est une forme de méditation. Il n’y a pas d’intention. Pas de contrôle. Je me sens vulnérable et, à cet instant, je découvre que c’est une force », dit Alix. EN PARTAGE Sur les murs qui, peu à peu, s’animent de couleurs, un autoportrait indirect est à lire. Un cœur sourd se met à battre dans des aplats de bleus. Parfois une pointe de rouge blesse le papier. Parfois, le geste est rapide, instantané. Parfois, il se fait plus lent. Là, le paysage disparaît sous un halo de mélancolie. Ici, vibre le moment ténu de l’aube où le paysage ne se souvient pas encore des couleurs. Avec ou sans le filtre d’un paysage, c’est toujours son âme qu’elle sonde. Loin d’être narcissique ou nombriliste, la démarche d’Alix relève au contraire d’une sincérité remarquable. Il s’agit d’aller au plus près de soi, de parvenir au comble de la subjectivité pour avoir une chance d’atteindre à une forme d’objectivité, d’universalité– où chacun saura reconnaître une part enfouie de lui-même. TENTATIVE D’ÉPUISEMENT Plasticienne, Alix est aussi vidéaste. Elle projette sur le mur palimpseste de l’atelier sa dernière « tentative d’élaboration d’un paysage ». On suit le pinceau, les gestes qui soulèvent des formes, donnent vie, épuisent la ligne, reviennent à la charge. Les formes disparaissent, tentent à nouveau une percée avant d’être ensevelies sous le glacis. On assiste impuissant au combat, ponctué de sursauts, de victoires passagères. Quelques vagues ressurgissent çà et là comme à l’improviste, et, pour finir, le blanc fait table rase de ce qui a été. Ce petit film contient peut-être un Manifeste de la création selon Alix, qui serait le passage de l’ombre, de l’ignorance, vers la clarté, la blancheur ? Espérons-le.  Alix Le Juge in the spotlight: exhibition with Krishna Luchoomun in Caudan , Port Louis, August 2019 and solo exhibition at the Imaaya Gallery , Phoenix, October 2019. Alix Le Juge à l’honneur  : expo avec Krishna Luchoomun au Caudan , Port-Louis, août 2019 et expo solo à la Galerie Imaaya , Phœnix, octobre 2019. 

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