Beachcomber Magazine 04

L orsqu’il regarde ses créations pâtissières, il a le même regard qu’il avait, petit, lorsqu’il se postait devant la « boutique » chinoise de son enfance. Il y avait de tout : des bigoudis, de l’huile de lampe, des patates douces. Et ces petites pâtisseries roses. Aujourd’hui, ce sont quasiment les mêmes que l’on retrouve dans les chambres du Canonnier Beachcomber. On pourrait même dire qu’elles ont pris le chemin des écoliers pour parvenir jusqu’ici… Car, comme la « tranche napolitaine » créée aux États-Unis, le « napolitaine » s’appuie sur la vocation pâtissière du port italien pour assumer son caprice… Ajay lui aussi s’est promené à travers le monde. Son père et sa mère étaient déjà pâtissiers au Club Med de l’île Maurice. Il a suivi l’école hôtelière locale puis son passeport a commencé à vibrer : Israël au Club Med-Eilat, puis retour à l’île Maurice (au Novotel), la Bretagne de Saint- Malo et Cancale, l’école Lenôtre à Paris, des compétitions de par le monde : en Inde, en Russie, des médailles comme un sportif (double médaille d’or en Inde), un passage par une académie de pâtisserie en Malaisie, où il apprend à concocter les feuilles de pandam… Et tout cela pour revenir et rester fidèle au groupe Beachcomber depuis vingt- cinq ans. Autant dire que ces petits gâteaux napolitaines ont du vécu. Voilà pourquoi, le jour où ils passeront dans votre bec, vous pourrez fermer lentement vos yeux pour laisser se dérouler le film de l’histoire de Ajay. Une autre se superpose : celle de l’île Maurice. Car ces petits sablés friands fourrés délicatement de confiture de goyave ont eux aussi leur histoire. À commencer par leur couleur kitsch irrésistible, un rose délicieux qui n’est pas sans rappeler les bibis de la reine Élisabeth d’Angleterre. Ce rose layette, candide et parfait comme une capeline de sucre glacée, une étole délicate. Ce glaçage royal réalisé avec du sucre glace, du blanc d’œuf et du sirop, c’est la touche britannique. Si vous cherchez la touche française, Ajay évoque tout de suite la confiture, le sablé. Et pour la touche locale, le sucre de canne et le tour de main. Lorsqu’il parle de ses petits napolitaines désarmants, Ajay a l’air d’un enfant qui voudrait dire qu’on ne saurait le résumer à cela. Il sait faire autre chose. Car c’est un champion des desserts artistiques. Il ne voudrait surtout pas être résumé à ces petits dômes tout pensifs. Il adore les prouesses sphériques. C’est un dingue de chocolat, un aficionado des compétitions de sucre artistique. Son dessert signature ? C’est une composition tropicale à base d’ananas incarnée par une compotée relevée de zeste de citron combava, de noix de coco et pour la dimension sonore, une tuile de moscovado (le sucre local) et un sablé de manioc. Ajay peut alors retrouver toute sa sérénité souriante, car il sait qu’il a été compris dans sa dimension professionnelle. Lorsqu’on est ainsi habité, le premier geste c’est de former, non seulement à travers son équipe de pâtissiers et de boulangers (quinze personnes! ), mais aussi avec la Beachcomber Training Academy. Son inspiration provient de tous ces voyages, de ces tours de la terre réguliers. Mais aussi de l’île Maurice. Si vous voulez faire encore sourire Ajay parlez-lui de la plage de Balaclava. Vous l’y retrouverez en famille le dimanche après-midi. À propos, quel est son geste préféré en pâtisserie ? Faire le check, poing contre poing, histoire de se savoir ensemble, en équipe.  FINE CUISINE THE ART OF TASTE 78

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