Beachcomber Magazine 05
de rêves, et destinés aux enfants. L’imposant rocher volcanique du Morne est une véritable sentinelle de la mémoire. Le poète créole mauricien Sedley Richard Assonne le brandit comme un « sphinx éternel/ témoin immuable/ debout/ en face de l’horizon/ comme un grand non » à l’oppression. Depuis 2008, le Morne est inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO. À son pied, les sculptures du monument de la Route des esclaves célèbrent ce haut lieu, un des plus visités du pays. L’autre site mauricien inscrit à ce même Patrimoine est l’Aapravasi Ghat, le quai de débarquement des « travailleurs engagés » indiens situé à Port Louis. Ces « engagés », le plus souvent de force, remplacè- rent les esclaves sur les plantations de sucre après l’abolition de l’esclavage en 1835. Le Morne et l’Aapravasi Ghat racontent ainsi une grande partie de l’histoire mauricienne. Et en tant que symboles de l’exploitation de l’homme par l’homme, ils ont une dimension universelle. Introduit par les colons hollandais dès 1638 pour l’abattage du bois d’ébène et la culture du café et de la canne à sucre, l’esclavage persista quand l’île passa aux mains des Français, puis des Anglais. Il ne fut aboli à Maurice que le 1 er février 1835. Pendant ces deux siècles de traite humaine, nombreux furent les esclaves qui se révoltèrent, s’enfuirent, et vécurent cachés dans les montagnes de l’île. Plusieurs fouilles archéologiques ont attesté la présence des « marrons » sur le Morne. Squelettes, traces de cam- pements et même de cultures sont autant de preuves que des hommes et des femmes ont vécu là, en autarcie complète. En 1769, Bernardin de Saint-Pierre, l’auteur de Paul et Virginie , notait dans son Voyage à l’Isle de France – c’était alors le nom de Maurice – que Le Morne était « environné de noirs marrons ». Il ajoutait que « quarante d’entre eux », pour- chassés, « plutôt que de se rendre préférèrent se jeter dans la mer ». La traque des « marrons » rebelles, à qui il arrivait d’attaquer des plantations et de tuer des colons, était impitoyable. Repris, ils pouvaient êtremarqués au fer, flagellés, mutilés, et même décapités. Plusieurs tenta- tives pour les déloger échouèrent. L’une de ces expéditions punitives tourna à la tragédie, quand un groupe de « marrons » choisit de se lancer dans le vide plutôt que de retomber aux griffes de ses persécuteurs. Une autre version de l’épisode veut que ce suicide collectif se soit produit à la seule vue d’une troupe d’officiers britanniques venus pourtant leur annoncer la fin de l’esclavage… SANCTUAIRES UNIVERSELS Quoi qu’il en soit, le Morne est devenu le symbole de la souf- france des esclaves et de leur lutte pour la liberté. Il a donné naissance à tout un imaginaire. Dans les villages, circulent toujours les récits et légendes qui sont attachés à son histoire. Le grand écrivain mauricien Malcolm de Chazal y venait souvent peindre et écrire, notamment ses Contes du Morne-Plage , à base de mythes et In the South-West of the island, the view from the refuge-top of the Morne Brabant mountain, listed in 2008 as a UNESCO World Heritage Site. Au sud-ouest de l’île, la vue depuis le sommet-refuge de la montagne du Morne Brabant, inscrite depuis 2008 au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
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