Beachcomber Magazine 05

URBAN STRATEGY THE ART OF ENCOUNTER 30 M es parents étaient tous deux employés de banque et ne sont pas allés à l’université, considéré alors comme un luxe. C’est pourquoi ils ont accordé une telle importance à la réussite scolaire de ma sœur aînée - au- jourd’hui médecin - et à la mienne », dit le jeune homme de Terre-Rouge. C’est à l’étranger, en Angleterre et en Australie, qu’il part étudier et façonner sa pensée au contact de ses mentors, l’Américain Nikos Salingaros et le scientifique aus- tralien Peter Newman. Bardé de diplômes (architecture, urbanisme, sociologie, philosophie), le jeune prodige appelle à récon- cilier en urgence urbanisme et environnement et agit sur tous les fronts. Dès 2012, il participe à la création de la Plateforme Citoyenne, initie une pétition – suivie d’unemanifestation sans précédent – contre le projet d’une centrale à charbon à l’île Maurice, intervient aux Nations unies pour défendre les énergies durables, représente l’Afrique au sein de la International Society of Biourbanism… CHANGER NOTRE REGARD Si sa pensée trouve un bel écho à l’étranger, l’île fait la sourde oreille. Qu’à cela ne tienne ! De retour sur son île – « là où est mon cœur », dit le Dr Zaheer Allam –, il travaille aux côtés de l’architecte mauricien Gaëtan Siew comme « stratège urbain », ainsi que pour Port Louis Development Initiative, où il préside le Conseil consultatif de la jeunesse. « Penser la ville de demain, c’est remettre l’homme au cœur du dispositif. Il s’agit de restaurer un lien d’appartenance. Dans cette optique, nous devons rompre avec la “dépendance automobile” et les combustibles fossiles, encourager la piétonnisation et les quartiers de petite taille pour favoriser le lien entre les gens, mettre fin au modèle occidental de constructions verticales, en verre et béton, sans mémoire. Le langage architectural dit “moderne ” n’a pas grand-chose à offrir », dit Zaheer Allam qui préside le Réseau international pour le bâtiment traditionnel, l’architecture et l’urbanisme pour les Petits États insulaires en développement. LA RÉVOLUTION CRÉATIVE Anti-moderniste, le jeune homme appartient bel et bien à son époque et ne craint pas de concilier les paradoxes. Partisan des Smart Cities, du « tout numérique» et de l’inter-connectivité, il connaît aussi les vertus du pisé et de la terre compressée qu’utilisaient il y a des millénaires les bâtisseurs de Sana’a (sonmodèle d’excellence) au Yémen. « Notre petite île dispose de toutes les ressources humaines et natu- relles nécessaires à la construction de sa propre identité. » Zaheer Allam dynamite aussi nos modèles de pensée traditionnels. Appelle à s’interroger sur la dangerosité pour l’environnement de certaines pratiques religieuses et de certains modèles comme le mariage, l’enfant, et la famille isolée. « Chaque famille constitue une cellule nucléaire qui s’additionne aux autres, décuplant ainsi les coûts de consommation et d’énergies. Ces pratiques sont-elles toujours adaptées au regard du péril environnemental ? Ne peut-on essayer de réinventer la vie en mettant le partage au centre de la réflexion ? Penser la ville c’est inévitablement repenser notre rapport à l’autre, questionner les valeurs traditionnelles et le sectarisme. Nous assistons à la montée de nombreux mouve- ments stimulants dans le monde – comme la Marche des jeunes pour le climat– appelant à ces changements radicaux. Nous vivons des temps passionnants », conclue Zaheer Allam avec un enthousiasme contagieux.  «

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