Beachcomber Magazine 05

MYTHES ET RÉALITÉS Les botanistes du XV e siècle se massèrent longuement le menton en voyant sur les plages ces jolies formes callipyges et abandonnées, notant au passage, une théorie selon laquelle, elles provenaient d’un arbre planqué au fond des mers. Puis s’en venaient mourir le long des plages. On les imaginait venir de Malaisie, des Indes. Tou- jours pas. Les souverains des Mal- dives (au large de l’Inde du sud) cependant n’en firent pas moins fortune en Indonésie, au Japon, en Chine où la noix de coco fut accueillie (et chèrement monnayée) comme plante médicinale. En fait ce serait plutôt des îles Seychelles (plus précisément Praslin et Curieuse) qu’il faudrait sourcer, ces heureux cocotiers bien que personne ne s’opposerait à les voir naître au paradis terrestre, un Eden feuillu et palmé où la noix de coco aurait pu aussi bien s’interposer entre Adam et Ève. Autant dire que la noix de coco a un CV long comme le bras. UNE BONNE NATURE Et pourtant, elle n’en tire aucune noblesse. Ni prérogatives. Il y a chez elle comme une bonne nature, une faconde bon enfant qui lui fait accepter tous les jobs. Que ce soit en balayette, brosse, balais, nattes et carpettes (sa fibre est imputrescible) jusqu’aux cocktails les plus huppés. Lorsqu’on est perché à parfois 25 mètres au-dessus de la terre, on a tout le loisir de considérer cette dernière. De faire son eau, son lait (l’amande est alors pressée et râpée) et d’être considérée comme la plus grosse graine vivant sur terre (jusqu’à 20 kilos). La noix de coco se reproduit abondamment en Indonésie, aux Philippines, en Inde, au Brésil. Et bien sûr sur l’île Maurice. Ici, elle fait partie du décor, perle les cocotiers avant de descendre mettre la java dans les recettes locales. Elle a tout son temps. Un cocotier connait son apogée au bout de quinze ans, et com- mence à fatiguer vers les cin- quante ans. Autant dire que la noix de coco a le temps de voir venir. Il y a comme une dimension placide avec elle. Rien ne la contrarie, pourtant Dieu sait si on la met à toutes les sauces. Bonne fille, elle peut glisser aussi bien d’un curry de légumes, à un pois- son mariné, en passant par l’agneau, le poulet, les bouillies de céréales. Elle a ses entrées partout, sans doute parce qu’elle sait se faire discrète, ne pas embêter les voisins, ceux qui se pavanent et tirent la couverture à eux. La noix de coco est un peu comme un modérateur, calmant les gamineries des épices, faisant descendre des rideaux les perforateurs de goût. DIVINEMENT COCO Elle apporte la paix, le liant, cette douceur tropicale et alanguie. Ne pensez pas pour autant que la noix de coco est la béate de service, l’idiote du village. Non elle a sa fierté distante, son naturel rieur, sa philosophie de vie. La noix de coco a aussi une vie ca- chée, hautement spirituelle puisque dans la religion hindoue, elle entre dans les rituels (la cas- ser, c’est casser son ego). On lui prête beaucoup de vertus, à la bonne heure, elle n’est pas avare. Son genre c’est la réincarnation: poudre, flocon, lait, crème, huile, eau… Elle laisse passer devant pour mieux contempler ses effets. Vous la croyez tout là-haut en train de rêvasser, elle est sur votre peau mélangée avec la coprah dans un monoï apaisant pour l’épiderme. La noix de coco a toujours le dernier mot. On la croyait dans la lune, la voici réapparaître en desserts, cocktails. C’est le sort des invisibles. Toujours présents.  FINE CUISINE THE ART OF TASTE 84

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