de l’époque de l’esclavage disait que les Anglais quitteraient Maurice le jour où l’énorme rocher tomberait. Les Anglais sont partis mais le rocher joue toujours les équilibristes… UN PERSONNAGE À PART ENTIÈRE Le Pieter Both a aussi inspiré écrivains et poètes, fascinés par son extraordinaire apparence. Bernardin de Saint-Pierre situe la petite colonie agricole où vivent Paul et Virginie, les deux jeunes héros de son célèbre roman, à Vallée des Prêtres, au pied des falaises du Pieter Both. Dans un texte publié en 1927 dans L’Essor, revue littéraire de Port-Louis, l’écrivain et journaliste Léoville L’Homme, qu’on considère comme « le père de la littérature mauricienne », voyait dans ce totem de pierre « un moine vêtu de l’ample froc, siégeant au bord d’un abîme », qui « prie et médite, l’œil dans les lointains perdus ». Peu auparavant, le Réunionnais Jules Hermann, inventeur du mythe de la Lémurie, souscontinent austral englouti dont Maurice serait le vestige émergé, débarquait à Maurice. Sidéré par les formes surnaturelles de ses montagnes, il eut la vision d’un « lama priant sur la tête du Pieter Both ». Pour Malcolm de Chazal, à Maurice « la montagne parle, elle est le pic du mythe ». Dans sa cosmogonie fantasmagorique, le Pieter Both a été longtemps maudit. Loin d’y distinguer une silhouette contemplative, il « découvre » sur ses abruptes parois douze figures terrifiantes découpées dans la pierre, « les douze apôtres du mal ». Cette géhenne n’a selon lui engendré que « sorcellerie, idolâtrie, et cruautés de toutes sortes »… Des années plus tard, de manière moins apocalyptique, le peintre et poète mauricien rêvera d’un « Malcolmland », une sorte d’antiDisneyland, à Vallée des Prêtres, sur les contreforts du Pieter Both : un royaume des fées dans un jardin suspendu où « le monde des adultes fera corps avec celui des enfants »… Grand voyageur mais Mauricien de cœur, J-M. G. Le Clézio, dont la propriété des ancêtres se trouve à Moka tout près du Pieter Both, escalada un jour une montagne extrêmement pentue sur une île de l’archipel de Vanuatu, dans l’océan Pacifique. Et là, soudain, la ressemblance avec la « dent noire du Pieter Both », à l’autre bout du monde, lui apparut « frappante ». « Je pense, écrivit alors l’écrivain, à l’escalade que mon père en a faite, quand il avait à peu près le même âge. Ce sont ces souvenirs qui font qu’on appartient vraiment à une île ».
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