Beachcomber Magazine 06

« Je suis arrivée à l’âge auquel ma mère est morte, 62 ans. Le temps m’a semblé venu de mettre en mots ce que je ressentais et que je ne lui avais jamais dit. Je n’avais jamais écrit sur elle, mais je crois que j’ai toujours écrit pour elle. Elle avait eu une enfance assez malheureuse, mais c’était une femme forte, très fière de voir ses trois filles réaliser leurs ambitions. Ce livre est aussi un hommage à toutes les femmes qui l’ont précédée, mes grands-mères, mes aïeules, qui sont tombées dans un silence et un oubli complets. J’ai voulu leur donner une voix». Prostitution, mariage forcé, poids des traditions, enfermement, ostracisme : depuis Ève de ses décombres (Ed. Gallimard, 2006) jusque dans Le Rire des déesses (Ed. Grasset, 2021), nombre de romans d’Ananda Devi dénoncent la situation réservée aux femmes à Maurice ou en Inde, notamment. Elle s’y attaque à l’exclusion et à l’étouffement des sociétés cloisonnées et inégalitaires. « J’écris, dit-elle, pour mettre en garde contre le rejet de l’autre». AU BORD DE L'EAU SACRÉE Quelques années après la mort de sa femme, le père d’Ananda Devi s’est levé un matin et a quitté la maison de l’une de ses filles où il vivait. Il est parti à pied, sans dire où il allait. Cet homme calme et assez fataliste a pris un taxi jusqu’à Grand Bassin, haut lieu du culte hindouiste à Maurice. Arrivé sur place, il a demandé au chauffeur de ne pas l’attendre. Il est descendu près du lac et il est mort là, seul, au bord de l’eau sacrée, dont la légende veut qu’elle soit une résurgence du Gange. Quand elle revient sur l’île, Ananda Devi aime se rendre au cimetière, dissimulé aumilieu d’un bois de lataniers, où reposent ses parents : « Ici, l’île a votre odeur et vous la sienne. »  Derniers ouvrages parus Le Rire des déesses, roman, Ed. Grasset (2021) Deux malles et une marmite, essai, Ed. Project'îles (2021) “I left the island to see new horizons. But in my heart, I have never really left.” « J'ai quitté l'île pour voir d'autres horizons. Mais au fond de moi, je n'ai jamais eu l'impression d'être partie ».

RkJQdWJsaXNoZXIy NjMzMjI=