SOCIETY THE ART OF ENCOUNTER 54 Nous sommes dimanche. Le centre des affaires de PortLouis et l'immeuble où siège le bureau de la commission sont désertés et silencieux. Seul le quatrième étage s'anime. Prema installe une corbeille de fleurs. Sans tapage, dans son bureau un peu désuet, anobli par la présence d'un grand drapeau mauricien fiché près du canapé, le commissaire électoral nous reçoit chaleureusement. Au cours de l'entretien, un à un, les six membres de son équipe de direction font leur entrée. « Je ne leur ai pas demandé de venir car c'est le jour de la famille aujourd'hui. Pourtant, ils ont tenu à être présents. Nous formons une équipe très soudée par unemêmepassion», s'enthousiasme Irfan Rahman, qui parle plus volontiers à la première personne du pluriel que du singulier. LA MAGIE DES URNES Depuis sa nomination en 1998 à la tête de la Commission électorale, créée en 1958 sous le gouvernement colonial britannique, M. Rahman a organisé la tenue de cinq élections générales. « Notre rôle est de garantir des élections (législatives, municipales et régionales) libres, transparentes et justes, condition première à toute démocratie. Des urnes naît un gouvernement légitime, élu par le peuple. C'est un outil magique, qui assure la stabilité politique, et donc, économique du pays », dit l'ancien magistrat. Entré dans la fonction publique il y a plus de trente-cinq ans, il n'a rien perdu de ses convictions : « Servir les électeurs et tous les électeurs, quelle que soit leur appartenance ethnique, de Maurice, de Rodrigues, d'Agaléga et de l'archipel des Chagos, qui est, selon notre Constitution, inclus dans la République mauricienne », précise le Commissaire. L’ENFANCE DÉCIDE Issu d'une famille de confession musulmane, élève à l’école catholique De La Salle à Port-Louis, enfant de l'Indépendance (il n'oublie pas son émotion enfantine devant le tout premier lever du drapeau quadricolore le 12 mars 1968), étudiant en droit au Gray’s Inn à Londres en Angleterre, avocat puis magistrat, Irfan Rahman est la somme d'une éducation placée sous le signe de la tolérance et de l'ouverture au monde. À l'écart de la mêlée politique et des intérêts économiques, il est un sage dont chacun reconnaît l'impartialité, l'honnêteté et l'engagement sans faille. « Nous avons vu des gouvernements venir et partir. Notre Commission est la constante, le compas de la démocratie ». Toutefois, l'homme fait preuve de modestie. « Tout est éphémère. Nous ne sommes que de passage. C'est ce que m'a appris mon grand-père qui longtemps a combattu au côté du parti travailliste pour l'accession à l'indépendance. Il était très strict et m'a tôt enseigné l'humilité et le sens du devoir. C'est ma fonction qui m'honore et je fais de mon mieux pour être à la hauteur ». L’UNION INDOCÉANE « Nous avons hérité d'une institution remarquable que nous avons su développer et qui est devenue un modèle pour le continent africain et au-delà, puisque nous intervenons aussi au Moyen-Orient et dans l'océan Indien pour des missions d'observation et d'assistance technique en vue d'installer ou de consolider la démocratie. Ainsi le Cameroun où nous avons mis en place, au terme de longues discussions, une commission indépendante. De même en Afghanistan, où j'ai été nommé par mes pairs vice-président de la commission afghane en 2003. Notre vœu le plus cher à présent est de créer un réseau de commissions indépendantes de l'océan Indien (Maurice, Seychelles, Madagascar, Comores), capable de garantir des élections libres. J'ai la conviction que seul un socle démocratique commun peut assurer la paix dans le monde. Rien ne sert d'imposer ce mode de gouvernance de l'extérieur. La démocratie naît de l'intérieur et d'en bas, dit le missionnaire. « Je ne désespère pas de parvenir à mobiliser une jeunesse qui, ici comme ailleurs, tend à déserter les urnes ». “OUR ROLE IS TO GUARANTEE FREE, FAIR AND TRANSPARENT ELECTIONS, THE FIRST CONDITION OF ANY DEMOCRACY.” « NOTRE RÔLE EST DE GARANTIR DES ÉLECTIONS LIBRES, TRANSPARENTES ET JUSTES, CONDITION PREMIÈRE À TOUTE DÉMOCRATIE ». Comoros) that will guarantee free elections. I’m convinced that only a common democratic foundation can ensure peace in the world. It is useless to try to impose this mode of governance from the outside. Democracy comes from inside, and from the bottom up,” says the missionary who never gives up hope of mobilising “the young people who, like everywhere else, have a tendency to avoid the ballot boxes.”
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