Beachcomber Magazine 08

les mieux gardés de l’île ! Seule Jana, la surveillante en chef, en poste depuis douze ans, les connaît : «Je surveille la préparation. Puis la cuisson qui, selon l’humidité ambiante, peut varier de quelques minutes cruciales. » Près de 20000 biscuits sont ainsi fabriqués chaque jour. Au terme de la cuisson, alignés dans des boites de métal, ils sont prêts à être emballés. Dans l’angle de l’atelier, trois ouvrières – aux mains si expertes que leurs gestes sont aveugles – sont attablées comme des écolières devant leur pupitre : la première les range en colonnes, la deuxième les enveloppe d’un papier sulfurisé, collé avec de l'amidon de maïs, la troisième recouvre le tout d’un emballage coloré selon la saveur. LE TEMPS RETROUVÉ L’aventure se poursuit ainsi depuis 1870, date de la commercialisation des biscuits. Tout commence au début du XIXe siècle, quand l'ancêtre Fabien Rault quitte sa Bretagne natale pour se lancer dans l’exploitation de la canne à sucre à Maurice (alors Isle de France). Pour alléger la nostalgie du père exilé, son fils Patrick Sénèque, manager, a fifthgeneration descendant of the Rault family. Patrick Sénèque, directeur, descendant de la cinquième génération de la famille Rault. Hilarion met au point une recette « façon sablé breton ». À défaut de blé, il utilise du manioc (une racine originaire d'Amérique du Sud et introduite dans l'île par le gouverneur malouin Mahé de La Bourdonnais pour nourrir le bétail et les esclaves). D’abord boudé, le biscuit reçoit la médaille d’argent lors de l’Exposition franco-britannique qui se tient à Londres en 1908. Pendant la Première Guerre mondiale, il sauve une partie des habitants de la famine alors que les denrées alimentaires de base font cruellement défaut. «C’est à ce moment-là que l’usine a pris son essor. Nous avons triplé la production. Des cargaisons de biscuits étaient acheminées par voie ferrée dans le Nord de l’île», raconte le directeur Patrick Sénèque, descendant de la cinquième génération. «Hormis une période endeuillée par les cyclones et une pénurie de manioc dans les années 1980, le succès ne s’est jamais démenti.» C’ÉTAIT DEMAIN Yves, chauffeur de taxi à Rose Hill, est venu faire ses provisions. Son biscuit préféré ? «Parfum coco ! Trempé dans le thé, le biscuit a le goût de l’enfance.» Il en est ainsi pour des générations entières. «C’est précisément ce lien précieux, cet attachement au passé qui est la promesse de l’avenir !», lance Patrick Sénèque. « La recette et les méthodes de confection sont restées inchangées. Notre fabrique, depuis très longtemps, répond à tous les critères du développement durable (zéro impact carbone et aucune source d’énergie extérieure). Nos biscuits et galettes ne contiennent ni œufs, ni colorants ou conservateurs. On ne peut pas faire plus naturel ! », insiste Patrick Sénèque qui, avec le soutien de sa famille, s’applique à poursuivre l’aventure. «À chaque génération, l’un d’entre nous s’est dévoué pour reprendre les rênes de la fabrique familiale et maintenir vivante notre tradition artisanale. Nous ne cèderons pas aux sirènes de l’industrialisation. Notre biscuiterie est unique au monde. Elle fait partie du patrimoine national. Chaque Mauricien se sent un peu le propriétaire de ce trésor.» Et ce n’est pas Francette, employée à l’emballage depuis 26 ans, qui le contredirait. 

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