Beachcomber Magazine 09

ITINERARY THE ART OF ENCOUNTER 28 De la fiction ou de la réalité, on ne sait plus lequel des deux invente l’autre. Tout est là, les personnages comme les décors sont parfaitement intacts et vivants. Le domaine familial Mon Repos, la haute grille blanche ajourée, l’allée des quarante-quatre manguiers (parmi eux, Jésus, le manguier fétiche qui abrite des colonies de fourmis), la maison créole à lambrequins et toit de zinc, fief des Gentil depuis 1850. «C’est ici que mon grand-oncle Philippe Gentil a composé l’hymne national de l’île Maurice en 1968 », précise l’écrivain, né en 1952. Tout est là, jusqu’au fantôme de tante Athalie, une « vieille fille autoritaire et attentive qui cuisinait pour tous ». C’est Robert, le frère aîné d’Alain, qui a ouvert la table d’hôtes en 2003 « pour perpétuer son souvenir et ses recettes ». Au fond du jardin, sous un auvent, patiente une collection de voitures anciennes, dont la Wolseley blanche de son père, Antoine (ingénieur formé en Europe, il rentrera à Maurice pour gérer la petite exploitation agricole familiale). « À chaque fois que j’ouvre la portière, je nous revois, mon père au volant, ma mère et moi à ses côtés, et mes trois frères aînés à l’arrière. Notre enfance était d’une grande gaité, d’une allégresse extraordinaire », sourit l’écrivain qui, déjà, roule à bord de « l’anglaise » en direction du jardin de Pamplemousses – premier jardin tropical créé au monde, en 1770 par le botaniste Pierre Poivre. « Nous allions à pied à travers le champ de canne derrière la maison pour rejoindre le jardin botanique. C’était notre terrain de jeu. J’en connais chaque recoin ! La nature m’a appris bien plus que l’école, que je détestais – j’ai arrêté avant le baccalauréat et, à 17 ans, je travaillais comme soudeur entre autres dans un chantier naval… La nature nous enseigne l’observation, la patience, l’acceptation du malheur (quand les cyclones détruisent tout sur leur passage), l’éphémère… Pourquoi quitter ce que l’on aime ? Je ne suis pas nostalgique pour autant. Ou bien, j’aime peut-être ce léger voile que le souvenir pose sur le présent. J’en ai besoin pour pouvoir écrire. » CENTRE DU MONDE « Maurice est le centre du monde et Pamplemousses le centre du centre du monde », écrit GordonGentil. C’est ici qu’il puise son « immense joie de vivre métisse » et son inspiration. Il a traversé le siècle en observateur assidu, tour à tour témoin et acteur de l’histoire, menant une carrière journalistique avant de se consacrer à l’écriture romanesque et de réaliser des documentaires, dont la remarquable série Venus d’ailleurs, sur l’immigration française, indienne, chinoise et africaine à Maurice. Ses complices se prénomment Jacques Brel (« C’est à quatorze ans, en l’entendant pour la première fois chanter Ne me quitte pas, que m’est venue l’envie d’écrire »), Gandhi, Garcia Marquez, Céline, et « tous les musiciens ». Il dirige aujourd’hui sa propre société de production, Pamplemousses Éditions. « Je ne peux pas m’éloigner trop longtemps, sous peine de me perdre ! » Jeune adulte, après un séjour aux États-Unis pour étudier le journalisme, puis un autre dans le sud de la France où il collabore au quotidien Midi Libre, Alain Family lunch at Chez Tante Athalie, a table d’hôte restaurant opened on the Mon Repos estate in 2003 as a tribute to the writer’s aunt. Déjeuner familial Chez Tante Athalie, table d’hôtes ouverte dans le domaine Mon Repos en 2003, en hommage à la tante de l’écrivain.

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