s’installe avec son épouse aveyronnaise à Baie-du-Tombeau, dans le district de Pamplemousses. Fidèle aux lieux (comme aux personnes et à ses personnages), il y vit toujours. « La question n’est pas de savoir pourquoi l’on part, mais pourquoi l’on revient – ou pas. Pour ma part, le fil rouge de ma vie, de mon travail, tient en une question : Qu’est-ce que l’homo mauricianus ? C’est lui que je cherche à saisir dans toute sa complexité. Nous sommes le fruit d’une histoire unique. Maurice est une île bouillonnante, multiethnique, multiculturelle, multireligieuse, multilingue où chaque communauté s’applique à vivre dignement. C’est un cas d’école ! » UNE BRÈVE ÉTERNITÉ La balade s’éternise dans le Jardin qui recèle des trésors naturels et mémoriels. Alexa Gordon-Gentil, 34 ans, installée à Paris, est venue rendre visite à sa famille, à la grande joie de son père. Suspendu, le temps reprend son souffle autour du grand bassin de nénuphars géants. Les fantômes du gouverneur Mahé de La Bourdonnais et du botaniste Pierre Poivre se dissipent dans l’eau claire. Reste la joie des retrouvailles, la magie des lieux et des nénuphars plus généreux que jamais. Au bout de l’avenue Paul et Virginie, l’écrivain grimace devant un socle nu. « Le soi-disant tombeau de Paul et Virginie ! C’est quand même étonnant d’inventer une sépulture à des personnages de fiction ! » Comme pour donner corps au mythe de Bernardin de SaintPierre, si prégnant dans le village, une sculpture des deux jeunes gens a été érigée près de l’église Saint-François-d’Assise... Alain Gordon-Gentil ne s’attarde pas dans la paroisse – « je préfère dialoguer en direct avec Dieu, sans intermédiaire » –, si ce n’est pour jeter un coup d’œil à l’impressionnante charpente en forme de carène de bateau renversée. Peu à peu, le rythme de la marche ralentit. L’histoire vient à notre rencontre. Chef-lieu du commerce des esclaves, Pamplemousses porte en lui les séquelles de son passé négrier, près de deux siècles après l’abolition de l’esclavage. Le « bassin des esclaves » où, « comme des bêtes », ils étaient lavés avant d’être vendus sur la plateforme voisine de quelques mètres, le « marché aux esclaves ». À l’écart, le « cimetière noir » aux tombes rudimentaires et le « cimetière catholique » où progressent les mauvaises herbes. Alain marque un temps d’arrêt devant le caveau familial. Puis devant celui de Delcour Chasle. Delcourt ? « Oui. Comme mon personnage romanesque, l’ami de mon père était un être épris d’absolu », sourit l’écrivain. Ainsi, Delcourt est enterré au cimetière de Pamplemousses et, pour toujours, brûle de désir pour Marika dans le dernier roman d’Alain Gordon-Gentil, Où vont les ombres quand la nuit vient (éd. Hervé Chopin, 2023). C’est l’heure du repas chez Tante Athalie. Marilyne, la directrice, veille sur chacun des hôtes. Au menu, un inoubliable cari de poisson à l’aubergine et des beignets de fruit à pain. Hors du temps, le grand livre de Pamplemousses ne risque pas de se refermer. Chez Tante Athalie’s unforgettable fish curry and breadfruit fritters. View of Pamplemousses from the La Nicolière Lake. L’inoubliable cari de poisson et beignets de fruit à pain de tante Athalie. Vue de Pamplemousses depuis le lac de La Nicolière.
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