Beachcomber Magazine 09

VAGABOND INDOCILE Malcolm de Chazal n’avait pas vraiment de maison. Peu soucieux des conventions sociales, il avait rapidement délaissé sa formation d’ingénieur agronome et une carrière toute faite dans l’industrie sucrière pour un modeste salaire de fonctionnaire et une existence marginale, en rupture avec sa classe d’origine. S’il disposait d’un toit chez sa sœur, il logeait le plus souvent à l’hôtel. À l’hôtel du Morne ou encore à l’hôtel National de Port-Louis. C’est là qu’il peignait. Seul ou parfois en atelier, avec des clients de l’hôtel, comme avec des serveurs. Un jour, raconta-t-il, « sans que je sache comment, des boys, des cuisiniers, des valets de chambre se mirent à surgir de partout. Et chacun se mit à peindre à tour de bras dans un enthousiasme fou. » Conséquence de cette émulation, circulent aujourd’hui de nombreux faux Chazal, tant les élèves ont bien imité le maître. Chazal lui-même ne faisait pas grand cas de ses toiles : il en donnait beaucoup, en jetait tout autant, ne les entretenait pas, se vantant même d’avoir brûlé 148 gouaches sur la plage du Chaland un jour de 1962. UNE NOTORIÉTÉ POSTHUME Longtemps peu considéré, le talent de peintre de Chazal sera pourtant peu à peu reconnu, grâce à des personnalités comme Georges Braque et Léopold Senghor, et à des collectionneurs étrangers, notamment gallois. Mais sa notoriété a été surtout posthume, sa cote montant au fil des ans (une gouache de Malcolm de Chazal vaudrait aujourd’hui entre cinq et dix mille euros). La grande exposition à l’automne 2024 à Paris de 150 peintures de Chazal* témoigne de cette reconnaissance. Pour Hélène Baligadoo, qui en est la conseillère scientifique et artistique, rassembler ces œuvres n’a pas été facile, du fait de leur dispersion et de la circulation de nombreux faux. Spécialiste de l’œuvre, elle a été peu à peu conquise par EXHIBITION BEAUTIFUL MAURITIUS 36 l’inspiration mystique, chamanique de la peinture de Chazal. Plutôt qu’une seule manifestation d’art brut, elle y voit l’« aboutissement d’un parcours spirituel, une sorte de célébration contemplative à forte dimension écologique ». Hélène Baligadoo, qui vit à Paris, a un autre lien, plus personnel, avec l’artiste : elle a grandi dans la maison des grands-parents de Malcolm de Chazal à Vacoas. Un lieu magique et une nature enchantée pour une enfance merveilleuse. Cette exposition est pour elle l’occasion rêvée d’exprimer à l’artiste une intime gratitude.  *À la Halle Saint-Pierre, dans le 18e arrondissement de Paris, du 11 septembre 2024 jusqu’au 19 janvier 2025. Puis au Blue Penny Museum de Port-Louis, du 20 février au 10 mai 2025. Commissaires de l’exposition : Martine Lusardy et Emmanuel Richon. Le catalogue de l’exposition paraît aux éditions mauriciennes Christian Le Comte. « JE PEINS À BOUT PORTANT. JE LAISSE AGIR LE SOLEIL DE L’INCONSCIENT, QUI EST LA SOURCE DE TOUTES LES COULEURS. » Christian Le Comte. 

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