Elle est née à Paris et a étudié l’histoire à la Sorbonne. « Mais surtout, j’ai grandi à Maurice», souligne Shakti, 45 ans. « C’est elle, l’île, la source vive. Je ressens un fort sentiment d’appartenance à cette terre, si complexe et unique. Je suis métisse, née de deux cultures, hindoue et franco-mauricienne, et c’est une vraie richesse. » Après avoir vécu sept ans à Delhi, où sont nés ses deux fils, elle revient en 2014 et s’installe dans le Nord, à Poudre d’Or. C’est là qu’elle décide de créer son atelier. Un espace de lumière et de poésie qui reflète son insatiable curiosité. «J’ai le goût du questionnement et de la recherche. Il y a un aspect ludique dans ma démarche. J’ai naturellement été portée par la générosité et la créativité de ma famille, mon grand-père, le peintre Hervé Masson, et mes parents, Brigitte Masson, écrivaine, et Dan Callikan qui, dès mon plus jeune âge, m’ont incitée à toujours plus de curiosité. » LE PARTAGE Tôt engagée dans une multitude de projets, de la défense des droits humains à la promotion du tourisme culturel (cofondatrice de My Moris), en passant par la création de podcasts donnant la parole aux Mauriciens (Fam Palab ; Cannes à sucre et préjugés), Shakti suscite rencontres, partages et transmissions, tissant ainsi des liens humains et artistiques essentiels. En 2020, la jeune femme initie le livre-objet Mots Kouler (magnifiquement mis en forme par la «J’AI LE GOÛT DU QUESTIONNEMENT ET DE LA RECHERCHE. IL Y A UN ASPECT LUDIQUE DANS MA DÉMARCHE.» TALENT THE ART OF ENCOUNTER 46 conceptrice graphique Nelly Yip Tong), où elle invente les mots des couleurs. « J’ai inventé une palette mauricienne – rouz (rouge) Chinatown, zonn (jaune) vinnday, roz (rose) gato koko… – qui parle de nous, qui nous ressemble et nous rassemble. » De cette réflexion continue est né le projet Terres Marronnes. Fascinée par la variété géologique de l’île, la jeune femme collecte des dizaines de monticules de terre à travers l’île – découvrant ainsi ses différentes densités, textures et nuances. «Je me suis aperçue que la terre me parlait. J’entendais ses cris à Yémen. À d’autres endroits, comme à Chamarel, la terre était pleine d’allégresse. C’est comme si elle recelait la mémoire du passé.» L’ÉNERGIE CRÉATRICE Ce voyage l’invite à travailler de ses mains les argiles prélevées. Shakti étudie alors la possibilité de travailler ces « terres endormies », invente des alliages avec du grès blanc, s’essaye à la poterie, et partage ses techniques et découvertes avec les artisans potiers et céramistes de l’île qui peuvent désormais travailler la terre locale s’ils le souhaitent. « Plutôt qu’artiste, je préfère le terme d’exploratrice. Je ne cherche pas à produire une œuvre tangible, mais plutôt à cultiver une façon d’être au monde et à partager mon émerveillement presque enfantin avec les autres. Plus que la destination, c’est le chemin emprunté qui m’intéresse, avec ses accidents, ses détours et ses rencontres. » La jeune femme porte décidément bien son nom. Dans l’hindouisme, Shakti dit l’énergie créatrice féminine, principe dynamique de la nature ou du divin.
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