Beachcomber Magazine 09

SOCIETY THE ART OF DISCOVERY 62  des écoles dédiées. On compte 51 écoles, placées sous la tutelle du ministère de la Culture, dirigées par Reeta Poonith et créées à l’initiative du Dr Sarita Boodhoo, présidente de la Bhojpuri Speaking Union. « En 2012, quand j’ai pris la direction de la BSU, j’ai réalisé que le Geet Gawai déclinait et s’appauvrissait. Les chants et les pratiques traditionnels étaient menacés par l’hégémonie Bollywood et la modernité. J’ai eu peur qu’il ne disparaisse. J’ai rencontré Reeta et les dames qui chantent de Petit Raffray. Nous avons créé la première école », dit Sarita Boodhoo, 82 ans, qui a dédié sa vie à la lutte pour la reconnaissance de la langue bhojpurie, « véhicule » du Geet Gawai, et qui a porté le rite et son répertoire de chants au patrimoine de l’humanité. UN RITE DE PURIFICATION « Les sanskar geet (chants traditionnels) accompagnent les moments clés de la vie, de la naissance à la mort. À Maurice, ils se sont imposés à la veille des mariages, lors du rite prénuptial qui sert à purifier la future mariée, les hôtes et le lieu de la célébration, et à porter la joie et la fertilité. » Ce soir, Sneha, 28 ans, a convoqué les geetarines à Quatre Bornes dans la salle où se tiendra, demain dimanche, la cérémonie officielle de son mariage. La famille de Sneha, celle de son futur époux (lui, ne fera son apparition que dimanche) et ses amis participent au Geet Gawai. Les rituels de purification accomplis, commence la célébration du Sindoor au cours de laquelle les femmes mariées appliquent à la racine de leurs cheveux de la poudre orangée de curcuma en signe d’alliance. On invoque tour à tour Durga, Kali, Palhavati. Les convives entrent dans la danse autour de l’élue. Les chants remontent le temps et l’espace. Sans répit, la ronde se poursuit. Les mains frappent le tempo du tambour. Il se dégage une énergie extraordinaire. « Le Geet Gawai n’est pas un amusement. C’est une pratique sacrée. De ce rite naît une vibration qui se transmet. C’est le son de l’univers, c’est la danse cosmique. Souvent, le râga (mélodie) m’émeut aux larmes », confie Sarita Boodhoo. RESPECT Aux quatre coins de l’île se perpétue cette tradition qui toujours vivifie la langue bhojpurie, vecteur oral d’une riche culture, et transmet les gestes immémoriaux aux plus jeunes. Elle témoigne aussi du rôle essentiel des femmes – même si, aujourd’hui, des hommes peuvent prendre part au rituel. Partout à l’œuvre, dans l’intimité de la maison de Devi, entourée de ses jeunes nièces et de leur dadi (grand-mère paternelle), dans le temple de Doorga Maa à Cottage, dans une salle de mariage à Quatre Bornes, ou encore, dans l’école de Petit Raffray, des assemblées de femmes comme celle de Reeta et de ses dames maintiennent vivante une mémoire et renforcent une identité. « C’est très important pour nous. Cet art ne protège pas seulement l’histoire, mais aussi les femmes en les émancipant. Le chemin a été long et difficile. Je connais beaucoup de dames qui ont retrouvé goût à la vie grâce à la pratique de cet art. Elles se sentent plus fortes. Et elles le sont. Elles jouent un rôle dans la transmission de notre culture. Désormais, les geetarines, rémunérées pour se produire à l’occasion d’un mariage par exemple, sont plus indépendantes. Mais ce qu’elles ont gagné par-dessus tout, c’est l’estime de soi et le respect de la population», conclut Reeta.  Légende Légende française During the mehendi ritual, Sneha and her friends decorate their hands with henna designs. Lors du rituel du mehendi, Sneha et ses amies décorent leurs mains de motifs de henné.

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