Beachcomber Magazine 09

PAINTING THE ART OF ART 86 Les fugues de Bach inondent l’atelier. L’air circule dans l’embrasure des portes grandes ouvertes. « Quand je peins je suis serein. Je m’en tiens à l’instant présent, à la joie de mettre une touche sur la toile. Ce qui est important ce n’est pas d’ajouter, c’est d’enlever. D’aller vers la simplification. » UNE QUÊTE SANS FIN « Je n’en suis qu’au début », dit le dessinateur et peintre né en 1950. Un début qui commence en 1962, à Rose-Hill, alors que son père, le voyant « sans cesse gribouiller », le fait entrer dans l’atelier de Serge Constantin. L’artiste radical est un maître exigeant. « Il nous mettait en demeure d’être nousmêmes, de puiser en nous les ressources. » C’est ainsi que le maître déchire le premier dessin de Jocelyn, la « copie d’un tableau de Georges Braque ». S’ensuivent des heures, des jours, des années devant des natures mortes, en particulier des crânes, puis des nus, pour étudier les volumes. « Nous dessinions uniquement à la pointe sèche d’un crayon HB, sur du papier journal. J’ai appris à me servir du crayon comme d’un bistouri. Je creusais des sillons sur la page. » Il étudie auprès du maître jusqu’en 1975, une fois par semaine le jeudi et intègre le Groupe du Samedi de Constantin, vivier d’une génération entière d’artistes mauriciens. « À 17 ou 18 ans, il m’a dit : “Maintenant, oublie tout. Libère-toi de l’académisme”. Une fois l’expérience acquise, il m’invitait à m’affranchir des codes. Mes deux mentors, Serge Constantin et l’artiste poète Hervé Masson m’ont conduit sur un chemin de liberté. Depuis lors, je cherche. J’ai des fulgurances, mais aucune certitude. Ne sait-on jamais si un tableau est “fini” ? Les miens sont en sursis. Je suis exigeant et me considère comme parfaitement imparfait. » L’ESSENCE DES CHOSES Parallèlement à une carrière dans le secteur bancaire, Jocelyn n’a « JE CROIS MOINS EN L’INSPIRATION QU’EN LA TRANSPIRATION. » The Bouquet, 2022, oil on canvas. Le bouquet, 2022, huile sur toile. depuis jamais lâché ses pinceaux. Chaque jour il se remet à l’ouvrage. « Je crois moins en l’inspiration qu’en la transpiration ! À 74 ans, je m’approche mais je n’y suis pas encore. Il me reste à simplifier encore les paysages de la nature.» Insatiable curieux, il réitère l’essai, sans oublier les leçons des maîtres de l’expressionnisme abstrait. Amoureux des livres, il s’est constitué une belle collection de catalogues (Richard Diebenkorn, Robert Motherwell, Nicolas de Staël…) et, sur les murs de l’atelier, a noté à la main les pensées de ses « complices ». Ici, Léonard de Vinci : « La simplicité est la sophistication suprême. » Là, Dalí : « Ne craignez pas la perfection, vous ne l’atteindrez jamais. » Ou encore Arthur Rimbaud : « Elle est retrouvée. Quoi ? – L’Éternité. C’est la mer allée avec le soleil. » Justement, elle est là, l’heure magique. Depuis la terrasse, la ligne de l’horizon vibre dans la mer et tire sur le rose tendre. Tout va recommencer. 

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