Beachcomber Magazine 07

INSIDE MAURITIUS THE ART OF DISCOVERY 56 des danseuses, parés de bracelets de cheville couverts de grelots, frappent le sol à l’unisson. Devant le banyan séculaire, au milieu des bambous géants, au bord de la rivière, dans un kiosque à ciel ouvert, sur les marches de pierres, les postures sculpturales s’enchaînent, aériennes et puissantes. En position demi-assise, les saris se déploient, laissant apparaître des plissés de soie remarquables. La grâce imprime chaque mouvement et prolonge cette parenthèse enchantée. LE NECTAR DES DIEUX Coïncidence magnifique, ce dimanche de mai accueille dans son ciel la pleine lune. C’est dans le plus ancien lieu de culte érigé à Maurice que nous irons saluer sa venue : à Sainte-Croix, le temple Kaylasson, construit en 1854 par des ouvriers indiens venus travailler dans l’île. « La culture dravidienne est bien ancrée et très structurée dans l’île. La danse n’a pas été dénaturée, et elle connaît un regain de vitalité », dit Jaykumaren, responsable des Performing Arts au Friendship College Girls à Goodlands, professeur de danse au MGI et au Mauritius Tamil Cultural Centre Trust. Initialement exécutée dans les temples en Inde, la danse sacrée a été galvaudée dans les palais des maharajas, où les devadâsî (servantes des dieux) furent assimilées à des courtisanes. Interdite par les colons britanniques, elle fut réhabilitée grâce, notamment, à Rukmini Devi, fondatrice de Kalakshetra, qui lui redonna ses lettres de noblesse en expurgeant du répertoire les poses jugées trop suggestives. « Elle n’en reste pas moins éminemment érotique, souligne Jaykumaren. L’amour, physique et spirituel, est le premier des “sentiments dominants” (joie, tristesse, colère…), exprimés par le danseur. Source de plaisir et moyen  de connaissance, la danse repose sur la notion de rasa, “saveur” ou “nectar”. C’est ce nectar que le danseur transmet à son auditoire ». Dans l’enceinte du temple, les danseuses et les statues des divinités se font sans cesse écho. Les corps en pierre sont autant de mouvements « vivants », suspendus. À moins que ce ne soient les danseuses qui ne composent sous nos yeux une fresque animée… Davissen, joueur de mridangam (tambour), et le chanteur Sivarouven entament un rythme carnatique, strict et rigoureux. Les pas de clochettes ne tardent pas à le rattraper et creusent la cadence. La danse, prise dans cette spirale sonore, se fait plus libre. La lune est encore pâle, mais déjà pleine. “Shiva dance steps” performed by Savinam and Pallavi, pupils of Jaykumaren since 2013 at the Mahatma Gandhi Institute. « Pas dansants de Shiva » exécutés par Savinam et Pallavi, élèves de Jaykumaren depuis 2013 au Mahatma Gandhi Institute.

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