Beachcomber Magazine 07

Weapons, haut en couleurs. Trouble aussi devant la femme coiffée d’une sculpture en fil de fer en forme de tête de sanglier – comme celle de la déesse hindoue Varahi. Ou encore face au triptyque bleu roi qui submerge un mur entier et semble sur le point de nous engloutir. Chaque toile est à déchiffrer. Ici, dans un paysage bucolique – emprunté à une gravure de M. J. Milbert que l’artiste a enrichie d’une infinité de détails –, se fondent les silhouettes d’esclaves et celles, autoritaires, de colons et de leurs chiens. Surdimensionné, un jeune Mauricien millenium, de toutes les communautés, est en suspens au bord du tableau... C’est bien l’être humain et ce qui le définit (ses attributs vestimentaires, son appartenance ethnique, religieuse, géographique, historique) qui constitue le fil rouge de l’œuvre de Nirveda Alleck. D’une œuvre à l’autre, au travers d’une multitude de supports (peinture, sculpture, photographie, vidéo, performance), l’artiste, imprégnée des cultures et de l’histoire de son île, questionne la notion d’appartenance et notre rapport PAINTING THE ART OF ART 84 aux autres. « Sans sentimentalisme et sans émotion. Ma démarche est avant tout formelle », insiste Nirveda. UNE ARTISTE INTERNATIONALE Le point de départ de l’aventure d’une vie entière est un concours de dessin que Nirveda remporte à l’âge de 7 ans. La veille, sa grande sœur l’initiait aux couleurs. « En mélangeant du jaune et du bleu, on obtient du vert. C’est tout ce que je savais. J’ai éprouvé une grande joie. Par la suite je me suis inscrite à tout ce qui ressemblait à un cours de dessin. J’étais la dernière d’une fratrie de huit enfants et, bien que modestes, mes parents m’ont autorisée à poursuivre mes études à la Michaelis School of Fine Art en Afrique du Sud. Je me suis nourrie de l’œuvre de William Kentridge et des expressionnistes abstraits américains. Puis je suis partie en Écosse, à la Glasgow School of Art, où j’ai obtenu mon Master of Fine Art en 2001. Au cours de ces années, j’ai été confrontée à la mort de la peinture. Les élèves et les enseignants ne s’intéressaient qu’aux concepts, aux performances, aux installations, à l’art éphémère. J’ai investi ces médiums que je ne pratiquais pas. L’expérience a été libératrice. Peu à peu, j’ai avancé sur tous les fronts ». Et dans tous les pays. Nirveda multiplie les résidences en Afrique, en Inde, aux États-Unis, en France, ainsi que les expositions (Triennale en Inde en 2005, Contemporary Art Africa à Bale en 2011, Biennale Dak’Art en 2010 et 2012, Biennale de la photographie à Bamako en 2019, Collège des Bernardins à Paris, Musée MAC VAL à Ivry-surSeine en 2016, Cité internationale des arts à Paris en 2020, Institut français de Maurice en 2021). « L’heure est venue de quitter l’île si je veux diffuser plus largement mon travail. Il faut que j’aille jusqu’au bout », dit Nirveda. Sans compter les voyages à venir pour poursuivre sa fresque sans fin, Continuum. Nul doute, chacun de nous s’y reconnaîtra.  From the kitchen, which houses (among others!) the Narrow Escape painting, you can see the living room, occupied by a headless horse (Losing My Head, 2004) and the studio, devoted at the moment to the huge triptych. Depuis la cuisine qui abrite (entre autres !) la toileNarrow Escape, se profilent le salon, occupé par un cheval sans tête (Losing My Head, 2004) et l’atelier, dévolu en ce moment à l’immense triptyque. Pointe d’Esny, au sud-est de l’île. Il faut se rendre sur place pour mesurer l’intrication de son œuvre et de sa vie. Les trois petites pièces – jusque dans la cuisine – sont le prolongement de son atelier, installé le plus souvent dans le patio qui s’ouvre sur une nature exubérante. Ses deux bergers allemands montent la garde. Il y a quelque chose d’indompté en elle. Pas seulement sa chevelure, mais aussi son regard noisette qui peut se faire perçant. IDENTITÉS PLURIELLES À l’intérieur, tous les murs sont recouverts de ses tableaux. Les araignées ont tissé leur piège dans les angles des murs. Chacune de ses œuvres interpelle, saisit. Est-ce l’omniprésence de tous ces regards qui nous questionnent ? Ceux de sa série Continuuminitiée en 2006 – juxtaposition sur un fond neutre de photographies d’anonymes prises lors de ses voyages. Celui de l’artiste elle-même, figurée sous des traits hyperréalistes et parée des attributs de Shiva dans le remarquable tableau Divine

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